Quel est le point commun entre le sel et les batteries ? Andreas Spring, Managing Director de Battery Consult AG, nous explique le lien inattendu qui existe entre ces deux produits et comment le sel rend les batteries plus durables et plus respectueuses de l’environnement.
Monsieur Spring, pouvez-vous nous expliquer avec des mots simples ce qu’est une batterie au sodium et comment elle fonctionne par rapport à une batterie ordinaire ?
Notre batterie est du type batterie au sel fondu également appelée batterie ZEBRA. L’acronyme ZEBRA signifie « Zero Emission Battery Research Activities ». Il s’agit d’un projet de recherche mené dans les années 80 en Afrique du Sud. Les réactifs sont un granulat de chlorure de sodium (sel de cuisine) et de nickel imprégné d’une solution saline (NaAlCl4) qui sert d’électrode positive, une paroi céramique conductrice pour les ions Na à titre de séparateur et du sodium liquide à l’extérieur comme électrode négative. Nous n’utilisons pas de matières premières dites critiques pour cette batterie.
Quels sont les avantages d’une batterie au sodium par rapport à une batterie ordinaire ?
La batterie au sodium ne peut ni exploser ni prendre feu. Les matières premières nécessaires à la construction d’une batterie au sodium sont anodines et disponibles presque partout dans le monde. Nous utilisons du sel, du fer, de la céramique et du nickel.
Le nickel est récupéré dans le cadre du processus de recyclage et peut ainsi être réutilisé. Le taux de récupération est de presque 100 %. On peut dire que la batterie au sodium emprunte le nickel jusqu’à la fin de son cycle de vie.
La batterie au sodium n’est pas sensible aux températures extérieures. Elle peut être utilisée sans problème et sans perte de capacité entre -20 et +60 °C. Elle convient ainsi parfaitement à une utilisation dans les régions chaudes et ensoleillées, et globalement sans refroidissement. Contrairement au lithium, qui préfère les environnements frais et ombragés.
Comment la batterie au sodium peut-elle être utilisée dans la pratique ?
La batterie au sodium dans sa conception actuelle est utilisée dans les domaines des systèmes de stockage domestique, du commerce et de l’industrie, et de l’alimentation sans interruption (ASI). Des batteries plus grandes ont parfois été construites avec des batteries au sodium. Par exemple pour le stockage de l’énergie produite par de grandes installations photovoltaïques de la taille d’un container de 20 pieds. Le surplus d’électricité solaire est directement stocké dans la batterie et restitué la nuit.
Existe-t-il des restrictions à l’utilisation de la batterie au sodium et dans quels domaines est-elle particulièrement efficace ?
La batterie au sodium est une technologie chaude. Sa température de fonctionnement, liée à des facteurs chimiques, est >250 °C. Si la batterie ne reçoit que peu ou pas d’énergie pendant une longue période (mois d’hiver, brouillard, etc.), dans le pire des cas, elle aura besoin de plus d’énergie pour maintenir sa température grâce à la résistance intégrée qu’elle ne pourra en stocker. Aussi, pour un fonctionnement optimal tout au long de l’année, il est primordial de dimensionner le système de stockage en fonction de la taille de l’installation.
Ce type de batterie est particulièrement efficace comme accumulateur tout au long de l’année dans les régions fortement ensoleillées. Classiquement, elle sera utilisée pour restituer en différé l’énergie produite par des installations éoliennes et photovoltaïques ou comme microgrid connecté ou non au réseau.
Dans quelle mesure l’utilisation du sel suisse dans la production de batteries au sodium est-elle durable et respectueuse de l’environnement comparé à d’autres matériaux utilisés d’ordinaire dans l’industrie des batteries ?
Contrairement au lithium, le sodium est disponible partout dans le monde. L’extraction comme l’élimination des matières premières utilisées sont aujourd’hui des processus standard largement répandus qui ont un faible impact sur l’environnement. Un comparatif édifiant des différentes technologies a été publié pour la première fois l’année dernière.
Utilisez-vous du sel de cuisine ou du sel ignigène suisse normal pour la fabrication ?
La matière première utilisée pour la fabrication est du sel de cuisine suisse tout à fait normal. Pendant le processus de production, seuls quelques additifs sont ajoutés.
La batterie au sodium peut-elle déjà être utilisée ? Quand sera-t-elle disponible à grande échelle ?
La batterie au sodium avec les « anciennes » cellules est déjà utilisée dans plusieurs domaines. Entre autres, comme accumulateur domestique et professionnel en Suisse. La société Innovenergy de Meiringen en fait usage depuis plusieurs années comme accumulateur complet. Elle est surtout utilisée depuis de nombreuses années comme batterie ASI indestructible dans le secteur des télécommunications.
Nos développements se concentrent sur le stockage stationnaire. C’est-à-dire sur une batterie adaptée au stockage domestique, commercial et industriel, mais surtout au stockage d’énergie de réseau. Les premières batteries dotées de nos cellules quitteront nos ateliers de production au cours du premier trimestre 2024. La construction d’une première grande batterie d’une capacité d’environ 2 kWh va nous prendre encore 12 mois environ. Ensuite, il ne restera plus qu’à stocker.